jeudi 26 avril 2012

Ma dernière lubie

J’ai repris les cours.
Je travaille toujours, bien sûr, mais je compte passer en septembre un concours d’entrée à une formation professionnalisante du genre deux ans de cours à raison de 3 jours par mois, des examens, et un mémoire. Violent, quoi.
Du coup, rien que pour passer le concours, il faut que je me remette (ou me mette simplement) à niveau en mathématiques : probabilités et statistiques, mathématiques financières, économétrie et analyse de données.

Et comme chaque module fait une trentaine d’heures réparties plusieurs jours par mois, je redécouvre les joies des devoirs à la maison, des révisions, de la mise du cerveau en position « éponge » pendant plusieurs heures d’affilées, et des examens.
 
Vous voulez que je vous dise ? C’est épuisant.
On pense avoir des métiers où l’on fait fonctionner un minimum ses neurones – je suis contrôleuse de gestion, je manipule des chiffres toute la journée – mais en fait ce n’est rien à côté de la résolution d’un problème de mathématiques financières ou de l’apprentissage d’une loi de Poisson. Vous vous rappelez toutes ces choses qu’on apprenait au lycée ? Les suites, les séries, les dérivées, les intégrales … ? Je suis obligée de me replonger là-dedans, et toute seule encore, car les profs considèrent que c’est de l’acquis.
Bon, oui, c’est vrai que c’est acquis. Mais c’est loin.

Quand je sors de ces six heures de mathématiques intensives, je suis rincée. Je me rends compte que les devoirs à la maison ça ne me manquait pas du tout. Et j’ai l’impression que mes neurones sont décédés en masse depuis que j’ai quitté l’école et qu’il faut que j’en fabrique de nouveaux, et plus vite que ça ! D’ailleurs, c’est marrant, j’ai l’impression que ça a débloqué quelque chose dans mon cerveau, que je réfléchis plus vite et plus efficacement depuis que j’ai commencé cette formation.
En même temps, il vaut mieux, car mes semaines au bureau sont de 3 jours et la quantité de travail reste celle de 5 jours…
 
Et puis sérieusement. La première fois que le prof a mis une formule de loi de Poisson au tableau. Le doute, la solitude. La première fois que j’ai dû résoudre une suite géométrique. Ça faisait dix ans que ça ne m’était pas arrivé. Et puis le pire : moi qui ai toujours été bonne en maths, je galère. Je suis obligée de bosser à la maison pour rester au niveau. Heureusement, Jarjar a encore de bons restes (qu'il entretient, lui) et me donne volontiers un coup de main. Vous auriez dû nous voir le soir où il m'a ré-appris à démontrer la somme d'une série géométrique... C'était pas brillant de mon côté.
 
Je peux vous dire que reprendre les cours, hé ben c’est bon pour l’humilité !

Loi de Poisson

lundi 23 avril 2012

J'ai voté, j'ai dépouillé

Hier soir se tenait le premier tour de l'élection présidentielle française. Oui, je suis Français, donc j'ai voté. Je ne referai pas l'éternel rengaine sur "c'est un droit, alors je l'exerce", mais tout de même je préfère me dire que j'ai voté plutôt que de voir des gens se plaindre comme en 2002 que leur candidat n'est pas au second tour car ils n'ont pas compris qu'il fallait aller voter pour pouvoir avoir le choix au second tour. 



Gamin, j'étais allé avec mes parents à la proclamation des résultats d'une élection municipale à la Mairie de ma ville. J'avais trouvé l'ambiance détendue et cordiale même si un certain ressentiment émanait de quelques membres de l'assemblée réunie pour l'occasion. J'avais alors raté la partie la plus rébarbative de l'élection : le dépouillement. Lors de la précédente décennie, quand on me demandait si je voulais venir au dépouillement, je refusais toujours poliment car bien que votant toujours dans la commune de mes parents, il n'était pas rare que j'habite à une autre adresse (étudiant, stage, etc) et il fallait que je retourne dans mes lointaines contrées. Cette année, enfin, l'année dernière, j'ai profité de l'occasion pour m'inscrire sur les listes électorales de ma ville. Et, pour la première fois de ma vie, quand on m'a demandé : "Vous pouvez venir dépouiller ce soir ?" j'ai pu répondre "Oui". Les assesseures étaient tellement ravies qu'elles ont noté mon nom parmi la liste des gens qui avaient succombé à l'appel avant moi et elles m'ont donné rendez-vous à 19H45, peu de temps avant la fermeture du bureau de vote. 
Entre deux giboulées, j'ai donc pris mon parapluie et mon courage à deux mains, et je me suis rendu à nouveau à mon bureau de vote. J'y ai recroisé quelques connaissances, dont une qui venait aussi faire le dépouillement, et le hasard faisant bien les choses, nous nous sommes retrouvés à la même table. Je vais donc vous décrire le processus pour celles et ceux qui n'ont jamais vécu cette aventure de l'intérieur. 
Tout d'abord, la responsable du bureau de vote, à 20h00, s'assure que personne parmi l'assemblée présente dans le bureau de vote (nous étions bien une quarantaine présents) ne soit ici pour voter. Une fois les dernières voix exprimées, elle annonce que le vote est clos pour le bureau 3.14 de notre ville. Première étape, on prépare les tables. Nous étions seize scrutateurs (compteurs) et quatre tables de quatre ont donc été mises en place. Les gens ont ensuite été répartis à ses tables. Au maximum deux personnes novices à l'exercice se trouvaient à la même table et, comble du hasard, deux hommes et deux femmes par table, des jeunes et des moins jeunes répartis aussi. Pour chaque table, une personne supplémentaire était en charge de comptabiliser les bulletins nuls, blancs et suivait le bon déroulement du dépouillement. 
Une fois les scrutateurs installés, la responsable du bureau ouvre l'urne sur une table, dépose les bulletins, et fait des paquets de dix pour compter le nombre d'enveloppes. Ouf, il y a autant d'enveloppes que de votants comptabilisés pendant la journée. Des grosses enveloppes de 100 sont préparées afin d'être réparties ensuite auprès des tables de scrutateurs. Deux personnes de chaque côté de la table, une personne qui ouvre les enveloppes, signalent les enveloppes vides, les enveloppes avec deux bulletins, les bulletins barrés, les choses bizarres (un bulletin portait un baiser au rouge à lèvre dessus, d'autres témoins rapportent des billets en Francs ou de dix euros dans les enveloppes). Le bulletin ouvert est alors passé à son voisin de table qui le lit à haute voix, et les deux autres scrutateurs, chacun avec leurs feuilles de compte, cochent le nom. Tous les dix bulletins, on regroupe les enveloppes avec un trombone, tous les dix bulletins pour un candidat, on les regroupe aussi afin de permettre une meilleure relecture à la fin du vote. 
Après une première enveloppe, une responsable vient vérifier nos comptes. Et après la seconde enveloppe, tous les résultats sont regroupés, on indique le nombre de bulletins nuls ou blancs sur notre fiche de compte, et on signe les deux fiches de compte sur lesquelles on a travaillé. Enfin, la présidente du bureau révèle le score pour notre bureau, et invite les plus curieux à se rendre à la mairie pour avoir les résultats agrégés pour la commune. 
Mais au début de mon récit, j'ai parlé d'une quarantaine de personnes, mais 4 tables de 4 scrutateurs + 1 surveillant plus une présidente et trois assesseures du bureau de vote, cela ne fait que 24 personnes, il y avait donc une quinzaine de personnes supplémentaires pour le dépouillement. Que faisait-il pendant que nous nous appliquions à mettre des petits bâtons sur des points dans des cases ? Et bien ils surveillaient que nous mettions bien des petits bâtons sur des points dans des cases. Les gens circulaient entre les tables, vérifiaient que les bulletins étaient bien ouverts, bien rangés, qu'il n'y avait pas d'étrangetés sur les bulletins. Un bulletin avec le nom du candidat barré comptait pour nul, un bulletin avec un baiser de rouge à lèvre dessus est valable (dans la littérature du net, certains le comptent nul, d'autres pas). Deux bulletins différents dans une enveloppe comptent pour un nul, deux fois le même bulletin compte pour un vote. Au final, cela fait des gens qui comptent des bulletins, des gens qui surveillent des gens qui comptent des bulletins et des gens qui surveillent des gens qui surveillent des gens qui comptent des bulletins. 
Et au bout d'une heure et demie de traitement des bulletins, les résultats sont centralisés et nous pouvons rentrer tranquillement chez nous pour voir la fin des Experts.